Coups d’État en Afrique, la saignée continue

Article : Coups d’État en Afrique, la saignée continue
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29 juillet 2023

Coups d’État en Afrique, la saignée continue

Mali, Guinée, Burkina Faso et maintenant le Niger. Ces dernières années, l’Afrique de l’Ouest semble renouer avec les coups d’État qui deviennent monnaie courante. Dans le rang des chefs d’État et de gouvernements de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’inquiétude monte au regard de l’impact négatif qu’ont ces coups d’État sur l’économie et sur la démocratie.

On la croyait enfouie dans les annales de l’histoire cette époque sombre où le pouvoir se prenait par les armes. Cette époque où l’instabilité caractérisait le pouvoir en Afrique. Force est de constater que les forces armées, loin de répondre à leur prérogative de défense de nos territoires, s’adjugent encore aujourd’hui le droit de renverser à leur guise des régimes élus par la voie des urnes. Le cas du Mali avec le « coup d’État dans le coup d’État » comme l’a appelé le Président français Emmanuel Macron, n’avait pas encore fini de faire parler de lui que ceux de la Guinée et du Burkina vinrent s’ajouter. Les différentes mises en garde de l’institution sous-régionale n’ont jusque-là rien données. Le nuage sombre des coups d’État plane toujours. Il a choisi cette fois-ci le Niger. Ce, quelques jours après le sommet des chefs d’État tenu le 9 juillet passé en Guinée-Bissau.

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Des militaires qui surfent sur l’impopularité des régimes

La nouvelle est tombée tard dans la nuit. Le Niger, pays d’Afrique faisant partie des 10 pays les plus pauvres au monde, vient de subir un coup d’État. Une nouvelle accueillie avec joie sur les réseaux sociaux par une partie de la population, hostile au Président Bazoum. En effet, l’élection du désormais ex-président du Niger n’a jamais fait l’unanimité au sein de l’opinion publique. Pour cause, une polémique sur ses origines. Ses détracteurs lui flanquent à tort ou à raison une nationalité libyenne. En outre, les accointances avec l’ancien président Mahamadou Issoufou, dont il est issu du même parti, lui valent aussi une certaine impopularité. Déjà, le 31 mars 2021, des officiers de l’armée nigérienne avaient tenté de renverser le Président Mahamadou à quelques jours de son investiture. Une tentative habilement déjouée en son temps mais qui donnera lieu à cette seconde soldée, elle, par un succès. Comme au Mali, en Guinée et au Burkina Faso, l’armée a surfé sur l’impopularité apparente du régime nigérien et de son leader pour accomplir sa besogne. Comme l’on pouvait s’y attendre, l’un des arguments avancés par les putschistes est la situation sécuritaire du pays. 

Crédit photo : Iwaria

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Un sentiment anti-français qui grandit toujours plus

Un tour sur les pages des médias d’information, laisse sans voix. En grande partie, la jeunesse salue le coup de force au Niger. Ce qui n’étonne d’ailleurs pas. Le Président nigérien est considéré dans les sphères panafricanistes comme un valet de la France. Une France à l’égard de laquelle le sentiment de haine a considérablement augmenté ces dernières années. Les rapports étroits existant entre la France et ses anciennes colonies ne sont plus du goût de la génération montante. Une génération à la fougue débordante et qui s’abreuve des discours enflammés de certains cybers activistes proches de la Russie. De ce fait, il urge de repenser la coopération existant entre la France et ses anciennes colonies (surtout en ce qui concerne le FCFA). Car celle actuelle ne permet pas véritablement une émancipation totale et entière de l’Afrique. De surcroît, le soutien de la France à certains régimes politiques qualifiés de dictatoriaux fait grincer des dents.

Que dire de la situation humanitaire ?

Au-delà de tout discours politique, ce qui inquiète le plus dans ce coup de force que vient de connaître le Niger est la situation humanitaire du pays. Jeudi 27 juillet 2023, l’ONU, par la voix de son porte-parole Stéphane Dujarric, annonça la suspension de ses opérations humanitaires. Une décision dont les conséquences devraient se ressentir dans les prochains jours compte tenu du contexte humanitaire difficile que traverse le pays.

Le Niger, pays enclavé du Sahel, est en proie à une insécurité alimentaire due aux effets du réchauffement climatique, de la crise économique qui secoue le monde et du terrorisme. Les différentes aides fournis par l’ONU et les partenaires financiers permettaient jusque-là d’amoindrir la crise alimentaire qui prévaut dans le pays. À l’heure actuelle, l’on ne peut mesurer l’impact que la décision prise par l’ONU pourrait avoir. Cependant, un scénario comme celui de la Somalie n’est pas à écarter.

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À qui le tour ?

À l’allure où vont les choses, on peut se demander quel pays est le suivant sur la liste des coups d’État. D’un côté la CEDEAO qui peine à trouver un remède, de l’autre les militaires qui s’immiscent en politique. Rien n’est vraiment sous contrôle. Malheureusement, ce climat d’instabilité ne favorise pas l’enracinement d’une démocratie forte et prospère en Afrique. Une démocratie à l’image des grandes démocraties où on note une séparation effective des pouvoirs, sans promiscuité entre l’exécutif et le judiciaire, et une alternance pacifique au pouvoir. En vrai, c’est le vœu de beaucoup d’africains de voir asseoir sur le continent une vraie démocratie. Deux des causes du sous-développement en Afrique, sont la mauvaise gouvernance et la corruption, dont les principaux acteurs sont des leaders politiques qui jamais ne seront jugés pour leurs actes. Pour cause, la mainmise sur l’appareil judiciaire. Certainement, l’atteinte de ce modèle de démocratie prendra du temps. Mais, on y arrivera. Car, le développement de notre continent en dépend. 

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Commentaires

ASSAH SÉFANIA
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Merci pour cet article et ce qui en ressort. Nous parviendrons assurément à nous approprier un système de développement et c'est déjà au travers de ce type de déclaration et d'articles ayant pour but d'éveiller les consciences. Merci à l'auteur au talent en plein essor.

Dr Morel
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Bel article.

Claude Sibani
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Vision claire et réaliste de ce qui se passe actuellement en Afrique, mais malheureusement loin de ce que peuvent comprendre la majorité des manifestants anti Français, qui veulent sortir d'un pseudo diktat Français pour se jeter dans les griffes de l'exemple de démocratie qu'est la Russie. Mais la naïveté tue souvent.