Aimé DA CRUZ

Sénégal : libération d’opposants pour assurer l’alternance. Le Bénin fera-t-il de même ?

Au Sénégal, les opposants Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye ont été libérés avant l’élection présidentielle. Une libération qui a fait écho au Bénin, où Reckya Madougou et Frédéric Joël Aïvo candidats recalés à l’élection présidentielle de 2021, croupissent depuis 3 ans derrière les barreaux.

C’est à la faveur d’une loi d’amnistie introduite par le président Macky Sall et adoptée par le parlement sénégalais qu’ils ont retrouvé la liberté. Ousmane Sonko condamné le 1er juin 2023 à deux ans de prison ferme pour débauche de mineure et Bassirou Diomaye Faye incarcéré depuis près d’un an pour outrage à magistrat, sont sortis de prison le 14 mars dernier. Cette libération saluée avec ferveur par les militants du parti Pastef, a changé le cours de l’élection.

Dimanche 24 mars 2024, les Sénégalais dans la quiétude sont sortis massivement accomplir leur devoir civique. Dans l’ensemble, le scrutin s’est déroulé sans heurts et contraste avec le méli-mélo politique qu’a récemment connu le pays. En fin de compte, le vainqueur dès le premier tour est le candidat du Pastef, Bassirou Diomaye Faye. Celui qui jusqu’à peu séjournait en maison d’arrêt, remplace désormais Macky Sall à la tête du Sénégal. Une alternance qui grandit davantage la démocratie sénégalaise, véritable modèle en Afrique et dans la sous-région.

Lire aussi

Le panafricanisme, et si on en parlait ?

Trois ans que ça dure

Au Bénin, l’élection du nouveau président sénégalais issu de l’opposition ne laisse pas de marbre. Sa libération peu avant le scrutin, est d’autant plus frappante pour les Béninois. En effet, dans les geôles béninoises croupissent depuis 2021 deux éminents fils du pays, Reckya Madougou et Frédéric Joël Aïvo. La première à été condamnée à 20 ans par la CRIET pour financement du terrorisme. Le professeur Joël Aïvo lui, a été condamné à 10 ans pour blanchiment de capitaux et atteinte à la sûreté de l’Etat. Cependant, ni l’un ni l’autre n’a fait appel. Recalés à l’élection présidentielle de 2021 pour défaut de parrainages, ils ont été arrêtés peu avant l’élection. Ladite élection jugée exclusive par l’opposition, avait donné lieu à des affrontements sanglants entre civils et forces de l’ordre.

Un parlement divisé sur la question de l’amnistie

Malgré tous les appels à leur libération, le président Patrice Talon reste fixe sur sa position. D’ailleurs, si l’on s’en réfère à ses dires, l’éventualité d’une grâce présidentielle n’est pas vraiment envisageable. Par conséquent, la seule option qui s’impose est la loi d’amnistie dont le vote revient au parlement. C’est pourquoi, l’opposition incarnée dans l’hémicycle par le groupe parlementaire Les Démocrates à introduit une proposition de loi d’amnistie qui s’est vue rejetée. Le député du parti majoritaire, Union progressiste pour le renouveau, Borgia Tawes M’Bouke Dos Santos, l’a qualifié de : « salade russe ». Néanmoins, l’opposition déterminée à aller jusqu’au bout, s’est dite prête à réintroduire autant de fois qu’il le faudra la proposition de loi d’amnistie. Beaucoup de Béninois croisent les doigts pour que cette lutte aboutisse, pour enfin tourner cette page douloureuse.

Lire aussi

Retrait des États de l’AES de la CEDEAO : décryptage d’un imbroglio politique sous-régional


Retrait des États de l’AES de la CEDEAO : décryptage d’un imbroglio politique sous-régional

Dimanche 28 décembre 2024, la nouvelle fait le tour des réseaux sociaux et des médias africains. Trois pays de la CEDEAO, le Burkina Faso, le Mali et le Niger claquent la porte de l’organisation sous régionale. Un départ brusque qui ne laisse pressentir rien de bon dans une Afrique de l’Ouest où rien ne va plus sur le plan politique et diplomatique. 

« En outre, la CEDEAO, sous l’influence de puissances étrangères, trahissant ses principes fondateurs, est devenue une menace pour ses États membres…» peut-on lire sur le communiqué conjoint des trois pays de la jeune Alliance des Etats du Sahel (AES). Un communiqué dans lequel, ces derniers fustigent aussi l’inaction de la CEDEAO dans le dossier épineux du terrorisme. Comme on pouvait s’y attendre, la réaction de la CEDEAO ne s’est pas fait attendre. Elle affirme dans un communiqué publié le même jour, avoir travaillé : «…de manière assidue avec les pays concernés en vue du rétablissement de l’ordre constitutionnel.»

Quelle lecture faire de cette sortie soudaine de la CEDEAO ?

L’annonce tombe quelques jours après la mission avortée de la délégation de la CEDEAO. Une décision radicale qui ne surprend pas vraiment. Cependant, l’analyse minutieuse des arguments avancés par les trois juntes, ne permet pas vraiment de comprendre cette décision. En effet, le Nigéria pays membre de la CEDEAO fait face aussi depuis plusieurs années aux groupes terroristes qui sèment la terreur. Dans ses efforts pour contrer la nébuleuse djihadiste, le Nigeria n’a pourtant jamais pointé du doigt la CEDEAO. Ce qui amène à se demander si la principale cause de ce retrait n’est pas la pression faite par la communauté sur les différents pouvoirs militaires pour un retour à l’ordre constitutionnel. Pour preuve, le Mali a annoncé l’annulation le 25 Septembre 2023 des élections qui devaient mettre fin à la transition sans pour autant préciser une nouvelle date. Du côté du Niger et du Burkina Faso, la durée exacte des transitions n’est pas encore totalement claire. Une incertitude qui a valu déjà deux tentatives de coup d’État au nouvel homme fort de Ouagadougou.

Photo d’enfants du Sahel
Credit photo: Pixabay

Doit-on repenser la CEDEAO ?

La réponse ne fait l’ombre d’aucun doute, chez certains. Les plus radicaux eux souhaitent sa dissolution pure et simple. On pourrait facilement leur trouver raison au regard des prises de positions parfois pas très équitables de l’organisation. En effet, la CEDEAO n’y est pas allé de mainmorte pour condamner et sévir pas la même occasion les régimes putschistes. Une condamnation qui ne se fait pas toujours ressentir dans les cas de figure où entorse est faite à la constitution ou en cas de dérive autoritaire. Ce qui jette du discrédit sur la communauté. Par conséquent, il devient inévitable de revoir les choses. En cas de violation flagrante des textes fondamentaux d’un État membre par les dirigeants, des sanctions doivent être appliquées.

Le Sénégal est en proie à des heurts depuis l’annonce du report des élections.
Crédit photo: Pixabay

Quoiqu’il en soit, la CEDEAO reste un model en matière d’intégration des peuples et de libre circulation des biens. Preuves tangibles de cette intégration prônée par les textes de la CEDEAO, plus de 3 000 000 de maliens vivent aujourd’hui en Côte d’Ivoire pays voisin. Un acquis qui prendra un coup dans les prochains mois si un consensus n’est pas trouvé. Un consensus qui sera difficile à trouver dans l’état actuel des choses

Lire aussi

Viol au masculin : ces jeunes victimes qu’on oublie trop souvent


Viol au masculin : ces jeunes victimes qu’on oublie trop souvent

Il est de ces tabous en Afrique. Des choses dont on ne parle pas ou dont on parle très peu. Le viol d’une personne de sexe masculin par une autre personne du même sexe en fait partie. Les victimes souvent très jeunes, se murent dans un silence dans la majorité des cas, et sont privées de leurs droits en matière de santé sexuelle.

Le viol est défini en droit international comme tout acte de pénétration, que ce soit par un organe sexuel ou un objet, commis sur le corps d’une personne. Le sexe anal contraint, le sexe vaginal contraint et le sexe oral contraint constituent donc bien des viols. Peu importe le genre des personnes impliquées. En dépit de toutes les sensibilisations et des témoignages de certaines victimes qui brisent la glace, le viol est toujours perçu au Bénin et dans certaines régions de l’Afrique comme un déshonneur pour la femme ou la fille violée et sa famille. Cette perception du viol pousse les victimes et leurs familles à préférer un règlement à l’amiable. Une triste réalité qui n’épargne pas les jeunes garçons et les jeunes hommes ayant subi un viol, et la plupart du temps, ces derniers ne sont même pas considérés comme “des victimes”.

Les cas de viols sur les adolescents et les jeunes sont légion dans les prisons.
Crédit photo: Iwaria

Un deux poids deux mesures apparent

Le viol, on en parle tellement de nos jours. Véritable lutte des féministes et des associations de défense des droits humains qui se battent pour les droits des victimes. Toutefois, cette lutte revêt un caractère plus ou moins discriminatoire du fait qu’elle ne tient pas toujours compte des victimes masculines. À contrario, le cas des victimes masculines (même si elles sont minoritaires) ne jouit pas de la même visibilité que celui de celles féminines. En effet, les différentes campagnes de sensibilisation et de dénonciation dans leur quasi-totalité ne font pas assez cas de cette réalité qui parfois se passe sous nos yeux. Ces victimes, nous les côtoyons parfois sans même le savoir. Chose assez grave, elles sont parfois très jeunes et vulnérables. Des histoires tristes de viols qui se racontent de bouche à oreille. Des pères qui abusent de leur enfant, des oncles qui abusent de leurs neveux, des coachs sportifs qui exigent des services sexuels pour positionner leurs jeunes poulains, des enseignants, leaders et guides religieux qui utilisent leur position d’autorité pour abuser de jeunes personnes, ou encore des viols utilisés comme une arme de guerre… Officiellement, aucune statistique ne permet de mesurer l’étendue des dégâts. Néanmoins, au regard du silence qui entoure le phénomène on peut déduire que les besoins d’assistance sont importants. 

Le monde du sport n’est pas épargné par les scandales de viols.
Crédit photo: Aimé DA CRUZ

Des victimes privées de leurs droits à la santé sexuelle 

Longtemps on l’a pensé en Afrique et au Bénin, les femmes sont les seules victimes d’abus sexuels. Une pensée totalement fausse et bien loin de la réalité qui est tout autre. Cette pensée destructrice fait encore de nos jours le bonheur de certains bourreaux. Pourtant, au Bénin, la loi N 2003-04 du 03 mars 2001 relative à la santé sexuelle et à la reproduction, dispose dans son article 9 :«Toute personne a le droit de ne pas être soumise à la torture, ou à des peines ou aux traitements cruels, inhumains ou dégradants sur son corps en général et sur ses organes de reproduction en particulier. Toutes les formes de violences et de sévices sexuels sur la personne humaine sont interdites. » Il ressort donc que la loi reconnaît à tous (hommes comme femmes) le droit à l’intégrité physique. La nécessité d’avoir accès à des soins de santé en cas de viol devient donc une évidence. Cependant, les jeunes victimes masculines de viol ne jouissent pas toujours de soins de santé appropriés. Dans le pire des scénarios, ils se retrouvent infectés du VIH ou d’autres maladies sexuellement transmissibles sans traitement efficace. D’où l’urgence de briser les tabous entourant le viol masculin. Il en va du décuplement de la parole qui aboutira à une prise en considération efficace des besoins des victimes. Des besoins qui englobent les conseils, les soins post viol et le suivi psychologique. Le défi est grand et nécessite beaucoup d’intérêt.

Lire aussi

Le panafricanisme, et si on en parlait ?


Le panafricanisme, et si on en parlait ?

Depuis quelques années, le continent africain traverse une période sensible de son histoire. Une période marquée par des coups d’État successifs. En quatre ans, ce sont six pays du continent qui ont vu leurs leaders renversés, pour certains à plusieurs reprises. C’est le cas du Gabon (2023), du Niger (2023), mais aussi du Burkina Faso (deux putchs en 2022), de la Guinée (2021), du Mali (2020 et 2021) et du Soudan (2019). À chaque coup de force, un mot revient sur toutes les lèvres : le panafricanisme. Un mot dont l’origine remonte au XIXe siècle, et dont la force transcende les frontières de l’Afrique. Mais qu’est-ce que le panafricanisme exactement ? Comment est née cette idéologie, quelle est son histoire et comment envisager le panafricanisme aujourd’hui, dans le contexte africain actuel ? Quelques questions que je développe dans cet article.

Nul doute, ce siècle est celui des bouleversements politiques en Afrique. Les coups d’État s’enchaînent au sein des anciennes colonies françaises. Des coups d’État adoubés par les peuples africains qui applaudissent les militaires peints en héros. Ce contexte politique nouveau, interroge l’avenir du continent et amène à se (re)poser la question de savoir ce qu’est le panafricanisme.
« Panafricanisme », un mot qui s’invite dans toutes les conversations en Afrique aujourd’hui. Un mot qui revient donc sur le devant de la scène. Un mot qui alimente les débats sur les réseaux sociaux, un mot qui est devenu une sorte de slogan politique incontournable et qui déchaîne les passions des plus radicaux.

Le panafricanisme c’est quoi?

Selon le dictionnaire Larousse, le panafricanisme est à la fois une doctrine et un mouvement de solidarité entre les peuples africains. Pour mieux cerner le concept du panafricanisme, un petit détour dans l’histoire s’avère indispensable. En effet, l’origine du panafricanisme remonte au XlX ème siècle. Ce concept est apparu après la révolution en Haïti, portée par Toussaint Louverture. Le panafricanisme est alors un mouvement politique et idéologique. Il vise à abolir l’esclavage et à s’affranchir du joug du colon français.

Toussaint Louverture
Crédit photo : Depositphotos

Bien des années plus tard, au XX ème siècle, ce mouvement né dans les Antilles trouve un écho favorable au sein de l’élite africaine. Une élite instruite et mécontente du système colonial. Les leaders d’alors, que rien n’effraie, sont décidés à en finir avec le paternalisme des puissances occidentales, et rêvent d’une Afrique forte et unie.

Vidéo datée du 23 octobre 2018. Bertrand Badie : « Les puissances coloniales ont étouffé le panafricanisme »


Né en 1909 dans un village du sud-ouest du Ghana, Kwame Nkrumah est considéré comme le précurseur du mouvement panafricaniste en Afrique. En 1960, il devient le premier président du premier État indépendant d’Afrique ( l’actuel Ghana ) et œuvre pour la création de l’Organisation de l’Union Africaine. Toutefois, ses idées jugées trop radicales ne feront pas long feu au sein de l’organisation. Vomi par son peuple pour l’échec de sa politique économique, Nkrumah est renversé par un putsch militaire en 1966, après cinq ans passés au pouvoir.

Kwame Nkrumah Memorial (Accra, Ghana)
Crédit photo : Pixabay

D’autres grands noms ont aussi marqué l’histoire du mouvement panafricaniste : Sékou Touré en Guinée, Patrice Lumumba en RDC (ex Zaïre), Cheikh Anta Diop au Sénégal, Thomas Sankara et Joseph Ki-Zerbo au Burkina Faso (ex Haute-Volta), ont tous laissé une marque indélébile sur le jeune continent. Leur mouvement a toujours inspiré beaucoup d’africains et d’afrodescedants. Mais à l’heure actuelle, en 2023, on peut dire que le panafricanisme revient en force dans les esprits.

Vidéo / A. Boukari-Yabara: « Le panafricanisme est une vision de la libération du continent africain » • RFI

Panafricanistes ou opportunistes ?

Kemi Seba, Nathalie Yamb et Franklin Nyamsi
Source : réseau social X (Image libre de droits)

Aujourd’hui, des activistes africains, omniprésents sur les réseaux sociaux, se sont emparés du concept de « panafricanisme ». Je pense à Kemi Seba, à Nathalie Yamb ou encore à Franklin Nyamsi… pour ne citer que ceux-là. Ces activistes, ennemis déclarés de la France, des puissances occidentales, des États Unis et du système des Nations Unies, sont adulés par la population africaine.

Emission « Appels sur l’actualité » le 24/07/2023 – RFI


Pour beaucoup d’africains (dont une majorité est issue de la région du Sahel), ces activistes sont les portes voix d’un concept et d’une lutte censés libérer l’Afrique : le panafricanisme. Ceux qui les suivent et les adulent sont souvent relativement jeunes. Pour la plupart, se sont des africains dans la fleur de l’âge, sans emploi et sans perspective d’avenir. Ils sont conscients des ressources naturelles dont disposent les États africains et ils ne conçoivent tout simplement pas le sous-développement du continent. Un sous-développement dû, selon eux, à la Françafrique et à ses corollaires. À juste titre, beaucoup d’africains désabusés et réduits au silence par les dirigeants, se retrouvent dans leur vision.
Pour l’autre partie des africains, ces activistes ne sont ni plus ni moins que des opportunistes et sous-fifres de la Russie dont ils sont très proches. Ils sont accusés de servir la propagande russe sur le continent. Il leur est notamment reproché leur prise de position trop partisane à certaines occasions et leur silence sur certains sujets. À titre d’exemple, leur silence sur le processus de révision de la Constitution en Centrafrique et sur le probable troisième mandat du président Touadéra (grand ami du Kremlin), laisse planer un doute sur leurs réelles motivations. En outre, ce qui fâche encore plus est que ces activistes n’admettent pas vraiment les points de vue divergents sur leurs différentes pages de réseaux sociaux. Ils n’hésitent pas à bloquer au passage ceux dont les commentaires sont jugés indésirables ou contradictoires. Avec eux, pas de place à la pluralité des points de vue.

Lire aussi

Coups d’État en Afrique, la saignée continue

Une vision nouvelle qui divise les africains 

Une chose est frappante dans toute cette agitation qui secoue actuellement l’Afrique francophone : la lutte portée par ces activistes contribue d’avantage à diviser nos peuples qu’à les unir. Il ne pourrait d’ailleurs en être autrement au regard du caractère incendiaire des publications de ces activistes sur les réseaux sociaux.

Les africains sont donc divisés. Aujourd’hui, on voit d’un côté ceux qui pensent que la libération du continent viendra par des coups d’État, mais d’un autre côté, il y a ceux qui pensent que les coups d’État retardent le développement du continent. Au milieu, on retrouve ceux qui, comme moi, ne sont pas pour les putschs, mais qui pensent malgré tout que, face à des pouvoirs autocratiques et despotiques, les putschs sont parfois les seules alternatives possibles…

Dans le fond, nous sommes tous panafricains car nous aimons notre continent et aspirons à l’unité de nos peuples. De ce fait, nous n’avons pas vraiment besoin de tous ces discours propagandistes sur les réseaux sociaux, qui frisent la manipulation politique, ceux-là même qui enveniment notre vivre ensemble. Les hôpitaux sans matériels, le système éducatif défaillant, le chômage, la faim, sont des choses qui révolteraient n’importe qui. Certes, avoir besoin d’un visa pour se rendre dans un autre pays africain est révoltant. Et oui, le manque d’intérêt des africains pour les produits fabriqués ici et pour notre culture est pour le moins déroutant. Toutes ces réalités sont autant de choses qui fâchent. D’où l’urgence, dans le contexte mondial actuel particulier (qui rappelle étrangement la guerre froide), de penser au futur de notre continent. D’autant que le panafricanisme dans sa forme actuelle, est une aubaine pour les régimes autoritaires qui surfent sur la vague pour s’accrocher au pouvoir. En définitive, l’heure n’est plus aux discours creux sur fond de panafricanisme, mais à l’action.

Il faut penser le futur des générations à venir pour que cesse le drame de la Méditerranée.
crédit photo : Pixabay


Coups d’État en Afrique, la saignée continue

Mali, Guinée, Burkina Faso et maintenant le Niger. Ces dernières années, l’Afrique de l’Ouest semble renouer avec les coups d’État qui deviennent monnaie courante. Dans le rang des chefs d’État et de gouvernements de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’inquiétude monte au regard de l’impact négatif qu’ont ces coups d’État sur l’économie et sur la démocratie.

On la croyait enfouie dans les annales de l’histoire cette époque sombre où le pouvoir se prenait par les armes. Cette époque où l’instabilité caractérisait le pouvoir en Afrique. Force est de constater que les forces armées, loin de répondre à leur prérogative de défense de nos territoires, s’adjugent encore aujourd’hui le droit de renverser à leur guise des régimes élus par la voie des urnes. Le cas du Mali avec le « coup d’État dans le coup d’État » comme l’a appelé le Président français Emmanuel Macron, n’avait pas encore fini de faire parler de lui que ceux de la Guinée et du Burkina vinrent s’ajouter. Les différentes mises en garde de l’institution sous-régionale n’ont jusque-là rien données. Le nuage sombre des coups d’État plane toujours. Il a choisi cette fois-ci le Niger. Ce, quelques jours après le sommet des chefs d’État tenu le 9 juillet passé en Guinée-Bissau.

Situation confuse au Niger : les dernières informations — France 24

Des militaires qui surfent sur l’impopularité des régimes

La nouvelle est tombée tard dans la nuit. Le Niger, pays d’Afrique faisant partie des 10 pays les plus pauvres au monde, vient de subir un coup d’État. Une nouvelle accueillie avec joie sur les réseaux sociaux par une partie de la population, hostile au Président Bazoum. En effet, l’élection du désormais ex-président du Niger n’a jamais fait l’unanimité au sein de l’opinion publique. Pour cause, une polémique sur ses origines. Ses détracteurs lui flanquent à tort ou à raison une nationalité libyenne. En outre, les accointances avec l’ancien président Mahamadou Issoufou, dont il est issu du même parti, lui valent aussi une certaine impopularité. Déjà, le 31 mars 2021, des officiers de l’armée nigérienne avaient tenté de renverser le Président Mahamadou à quelques jours de son investiture. Une tentative habilement déjouée en son temps mais qui donnera lieu à cette seconde soldée, elle, par un succès. Comme au Mali, en Guinée et au Burkina Faso, l’armée a surfé sur l’impopularité apparente du régime nigérien et de son leader pour accomplir sa besogne. Comme l’on pouvait s’y attendre, l’un des arguments avancés par les putschistes est la situation sécuritaire du pays. 

Crédit photo : Iwaria

Lire aussi

De la liesse à la désillusion, l’après baccalauréat en Afrique.

Un sentiment anti-français qui grandit toujours plus

Un tour sur les pages des médias d’information, laisse sans voix. En grande partie, la jeunesse salue le coup de force au Niger. Ce qui n’étonne d’ailleurs pas. Le Président nigérien est considéré dans les sphères panafricanistes comme un valet de la France. Une France à l’égard de laquelle le sentiment de haine a considérablement augmenté ces dernières années. Les rapports étroits existant entre la France et ses anciennes colonies ne sont plus du goût de la génération montante. Une génération à la fougue débordante et qui s’abreuve des discours enflammés de certains cybers activistes proches de la Russie. De ce fait, il urge de repenser la coopération existant entre la France et ses anciennes colonies (surtout en ce qui concerne le FCFA). Car celle actuelle ne permet pas véritablement une émancipation totale et entière de l’Afrique. De surcroît, le soutien de la France à certains régimes politiques qualifiés de dictatoriaux fait grincer des dents.

Que dire de la situation humanitaire ?

Au-delà de tout discours politique, ce qui inquiète le plus dans ce coup de force que vient de connaître le Niger est la situation humanitaire du pays. Jeudi 27 juillet 2023, l’ONU, par la voix de son porte-parole Stéphane Dujarric, annonça la suspension de ses opérations humanitaires. Une décision dont les conséquences devraient se ressentir dans les prochains jours compte tenu du contexte humanitaire difficile que traverse le pays.

Le Niger, pays enclavé du Sahel, est en proie à une insécurité alimentaire due aux effets du réchauffement climatique, de la crise économique qui secoue le monde et du terrorisme. Les différentes aides fournis par l’ONU et les partenaires financiers permettaient jusque-là d’amoindrir la crise alimentaire qui prévaut dans le pays. À l’heure actuelle, l’on ne peut mesurer l’impact que la décision prise par l’ONU pourrait avoir. Cependant, un scénario comme celui de la Somalie n’est pas à écarter.

Lire aussi

Haïti, nous ne t’oublions pas !

À qui le tour ?

À l’allure où vont les choses, on peut se demander quel pays est le suivant sur la liste des coups d’État. D’un côté la CEDEAO qui peine à trouver un remède, de l’autre les militaires qui s’immiscent en politique. Rien n’est vraiment sous contrôle. Malheureusement, ce climat d’instabilité ne favorise pas l’enracinement d’une démocratie forte et prospère en Afrique. Une démocratie à l’image des grandes démocraties où on note une séparation effective des pouvoirs, sans promiscuité entre l’exécutif et le judiciaire, et une alternance pacifique au pouvoir. En vrai, c’est le vœu de beaucoup d’africains de voir asseoir sur le continent une vraie démocratie. Deux des causes du sous-développement en Afrique, sont la mauvaise gouvernance et la corruption, dont les principaux acteurs sont des leaders politiques qui jamais ne seront jugés pour leurs actes. Pour cause, la mainmise sur l’appareil judiciaire. Certainement, l’atteinte de ce modèle de démocratie prendra du temps. Mais, on y arrivera. Car, le développement de notre continent en dépend. 


De la liesse à la désillusion, l’après baccalauréat en Afrique

Le mercredi 12 juillet 2023 a eu lieu la première délibération de l’examen du baccalauréat au Bénin. Dans les maisons et les rues, les cris de joie se sont fait entendre. Une liesse qui les jours suivants, cédera vite place à un tas de questions. 

Cette année, ils étaient 76 104 au Bénin à passer cet examen dont 63,08 % ont été déclarés admissibles. À travers les générations, il est resté le même cet engouement que suscite le bac. Le temps précédant la proclamation des résultats pour certains parents et les candidats, semble être un véritable supplice. Je me rappelle comme si c’était hier de ce jour où je fus déclarer admissible. Ma première réaction sans surprise fut un bond en l’air suivi d’un grand cri de joie. Je venais comme n’avait de cesse de me le dire ma mère de faire mon entrée dans la cour des grands. La tête pleine de rêves et d’ambitions, je n’avais qu’une seule envie, partir à l’assaut de l’univers qui n’attendait que moi. Sur le coup, j’étais loin de m’imaginer que la vie après le bac était tout sauf un long fleuve paisible. 

La direction de l’Office du baccalauréat à Cotonou. Crédit photo : Aimé DA CRUZ

Le casse-tête du choix de filière

On était que le lendemain de la proclamation des résultats et déjà j’étais face à un dilemme. Quelle filière choisir ? En Afrique, que faire après le bac est trop souvent relégué au second plan. « J’y penserai une fois mon bac en poche », m’a dit un jeune adolescent de mon quartier quand je lui ai posé la question de savoir ce qu’il envisageait de faire après le bac. C’est un secret de polichinelle, bon nombre de bacheliers choisissent des filières qu’une connaissance, un ami, un parent ou un enseignant leur a conseillé. Des filières qui parfois mènent au chômage ou dans lesquelles ils connaîtront des échecs successifs, ou l’abandon. D’autre part, certains ne pourront s’offrir la formation de leur choix par manque de moyens. D’autres encore, ne verront jamais les portes de l’université. Pour les parents avertis, ils ont appris à connaître leurs enfants. Ils connaissent leurs aptitudes et ce qui les passionne, et les orientent non pas sans tenir compte de la demande sur le marché de l’emploi. Encore que, certains parmi ces enfants dont les parents comprennent l’enjeu du choix de filière, devront faire une croix sur leur filière de rêve parce que celle-ci est indisponible dans leur pays. Les plus chanceux eux s’envoleront vers d’autres horizons.

LIRE AUSSI

Haïti, nous ne t’oublions pas !

L’enfer des universités publiques

Les images de ma première journée d’étudiant sont encore présentes dans ma tête. On m’avait dit tellement de choses à propos de l’université que je croyais tout connaître. Je me sentais privilégié de pouvoir m’inscrire dans une école et non pas dans une faculté classique ( où les chances d’insertion sont plus infirmes). Cependant, je ne tardai pas à me rendre à l’évidence. Au fond, Il n’y avait pas une si grande différence entre les écoles dites professionnelles et les facultés.

L’université d’Abomey-Calavi,
la plus grande université publique du Bénin.
Crédit photo : Aimé DA CRUZ

Ma première déception fut l’accueil très froid du personnel administratif pas très courtois. Ensuite, ma seconde et plus grande déception, l’effectif pléthorique. Nous étions près de 450 inscrits dans ma filière… Et pour boucler la chaîne des déceptions, le mode d’apprentissage qui ne permet pas vraiment d’acquérir des compétences. Il faut bûcher et rendre sans trop réfléchir, comme si nous eussions été des robots. Dans le même temps, je voyais aussi le calvaire des étudiants inscrits dans les facultés. Effectifs pléthoriques, échec de masse, manque d’amphis et manque de places assises. L’opposé total du monde meilleur qu’on s’imagine avant le bac. 

LIRE AUSSI

Bénin : les terroristes attaquent, la psychose s’installe

Un diplôme qui n’a plus toute sa valeur

On aura beau se poser la question, on n’arrivera pas à comprendre le bien-fondé de cette fixation sur le bac. Un simple diplôme qui fait courir parents et apprenants, et qui plonge dans une profonde dépression les candidats recalés. Et pourtant, le bac n’a plus toute sa valeur. Autrefois, si le bac suscitait un grand intérêt en Afrique, c’est parce qu’il ouvrait automatiquement la voie au monde professionnel. De nos jours, la donne a plus ou moins changé. En effet, les exigences du marché de l’emploi ont considérablement élevé les standards. Il est loin l’image du ‘’ Akowé ‘’ , intellectuel au col blanc dont on affublait les nouveaux bacheliers et qui inspirait un grand respect. Ce n’est pas le bas niveau des étudiants d’aujourd’hui qui démontrera le contraire. Il est de nos jours fréquent de voir des détenteurs d’un master aligner plusieurs fautes dans une même phrase. En son temps, on ne me l’a pas dit. Mais, j’ai fini par le comprendre. Dans l’ensemble, le bac est juste le début d’un combat acharné pour avoir une place sous le soleil. 

Crédit photo: Iwaria


Haïti, nous ne t’oublions pas !

Entre deux articles qui parlent de l’Afrique et de ses problèmes, j’ai décidé de déclamer ma solidarité à Haïti, le grand oublié du moment. Un poème c’est tellement peu face à tant de problèmes, mais ça peut toucher les cœurs.

Une situation économique alarmante, une crise sécuritaire et humanitaire hors de contrôle. Haïti, dont la situation était déjà critique depuis le séisme de 2010, vit des heures encore plus sombres depuis quelques années. Il n’y a pas de répit pour les habitants du pays de Toussaint l’ouverture. L’assassinat du Président Jovenel Moïse a plongé le pays dans un imbroglio politique aggravé par l’insécurité qui règne en maître. Subséquemment, enlèvements, assassinats et viols collectifs sont le lot quotidien des haïtiens qui sont à la merci des gangs.

LIRE AUSSI

Bénin : les terroristes attaquent, la psychose s’installe

Une passivité qui choque

Ce qui révolte le plus dans ce drame que vit Haïti, c’est la passivité de la communauté internationale. Une communauté internationale dont l’énergie est concentrée sur la guerre en Ukraine et ses implications géopolitiques. Même la presse n’en parle presque plus d’Haïti. Que fait-on au final de tous ces discours sur les droits de l’homme ? Que fait-on de toutes ces théories sur la justice, la paix et la sécurité dans le monde ? C’est triste ce que les intérêts individuels font de notre monde. Petit à petit, cette ancienne colonie française tend vers un chaos irréversible.

Drapeau d’Haïti


Une impuissance qui ronge

En Haïti, la seule question qui taraude à présent l’opinion publique est : à quand la fin de ce cauchemar ? L’appareil judiciaire est quasi inactif et la résignation a gagné du terrain dans le rang des victimes. Dans la foulée, le programme du Président américain Joe Biden crée d’avantages de problèmes. Les citoyens assistent impuissants au départ du personnel soignant et des cadres dont les vies sont pour la plupart menacées. Les appels au secours ne cessent de s’élever sans que des solutions ne soient trouvées. Au fil du temps, beaucoup ne croient plus vraiment au changement.


Haïti, nous ne t’oublions pas !

Tes SOS nous parviennent en échos 

Dans tes départements il ne fait plus beau 

Il est devenu terne et sans éclat ton ciel 

Chez toi, plus de joie ni de paix, que du fiel

Les cris de tes femmes hantent nos esprits

De tes filles l’innocence volée nous abasourdit 

Haïti, qu’il est pesant ce fardeau que tu portes

Tout seul face à ces innombrables tempêtes 

Dans ta détresse, tu pries sans ne plus avoir la foi

Tu te demandes souvent si quelqu’un pense à toi 

Quelque part en Afrique on ne t’oublie pas 

On espère de tout cœur que bientôt tout ça passera ❤️

Crédit : Aimé DA CRUZ

LIRE AUSSI

Explosion démographique en Afrique : 1,4 millard d’habitants déjà ?


Bénin : les terroristes attaquent, la psychose s’installe

Le Bénin à l’instar de ses pays limitrophes, fait face à une série d’attaques terroristes. Les dernières en date ont coûté la vie à plusieurs civils et font craindre le pire aux populations qui ne se sentent plus en sécurité dans ce pays longtemps perçu comme un havre de paix.

La partie septentrionale du Bénin en ce début du mois de mai, a été le théâtre de deux attaques meurtrières à Kérou et à Banikoara. Ces attaques d’une violence sans pareille, ont coûté la vie à vingt personnes, dont quinze villageois égorgés par les assaillants. Une bien triste nouvelle répandue dans les médias et qui a ému tout le monde. Le choc produit par ces attaques inattendues et barbares est tel que même le limogeage du commissaire de Kaobagou, et l’ouverture de l’enquête demandée par le Président de la République ne semblent pas arranger les choses.

Le quartier Zongo à Cotonou.
Crédit : Aimé DA CRUZ

Doit-on craindre le pire ?

Kérou et Banikoara, deux zones classées rouges, faisaient l’objet d’une surveillance militaire et policière particulière. Fait qui inquiète d‘avantage l’opinion publique qui se pose maintes questions. Questions sur l’efficacité de nos services de renseignements, et de nos forces de sécurité publique et de défense. Plus que jamais, la crainte de voir se reproduire des atrocités encore plus meurtrières trotte dans les esprits. Les exemples du Burkina Faso, du Mali, du Nigeria et du Niger contribuent pour beaucoup à cette crainte. Ces pays ont autrefois vécu des attaques similaires, mais aujourd’hui font face à des attaques d’une intensité supérieure. La psychose a gagné du terrain. Par conséquent, certains habitants de ces localités songent déjà à prendre la clé des champs.

Deux policiers béninois à un carrefour.
Crédit : Aimé DA CRUZ

Une lutte conjointe qui s’impose

Dans une publication sur sa page Facebook, l’ancien Président de la République du Bénin Boni Yayi a en premier lieu condamné l’attaque barbare de Kaobagou (Kérou). Avant de soulever en second lieu la question de la mutualisation et de la coordination des services de renseignements et des actions militaires. Le terrorisme fait aujourd’hui beaucoup trop de victimes en Afrique. En Afrique de l’Ouest, la liberté de circulation des biens et des personnes a favorisé la mobilité des groupes terroristes. Très vite, ces derniers ont pris d’assaut bon nombre de pays de l’espace CEDEAO. Les différents efforts déployés jusqu’ici par les autorités pour lutter contre ce fléau, semblent ne pas porter de fruits. La carte de l’action conjointe est aujourd’hui la seule alternative envisageable pour arriver à bout de cette nébuleuse.

Pour cette raison, la lutte contre le terrorisme a été le sujet principal de la visite au Burkina Faso le 16 février 2023 du Président béninois. Ce fut également le cas, lors de la visite de son homologue nigérien en mars et de celui rwandais en avril. Le Président Patrice Talon l’a compris. La coopération Sud-Sud s’impose pour la sécurisation de nos frontières communes, mais aussi pour éviter de futures incursions sanglantes.


Explosion démographique en Afrique : 1,4 millard d’habitants déjà ? 

Dans la course pour l’atteinte des objectifs de développement durable en Afrique, freiner l’explosion démographique est un défi majeur. Ces dernières années, des voix de leaders africains ne cessent de s’élever pour rappeler le danger qui guette le continent, si la croissance exponentielle observée demeure telle.

Le marché Dantokpa à Cotonou.
Crédit photo : Aimé DA CRUZ

Dans son entretien accordé à la chaîne de télévision française LCI le 5 mars 2023, le chef de l’État béninois Patrice Talon affirmait : « Il faut trouver les moyens d’inciter au contrôle des naissances et même trouver des moyens un peu coercitifs pour que l’explosion qu’on observe ne se poursuive pas sinon, l’Afrique se porterait très mal. » Il affirmait plus tôt lors de ce même entretien : « Le taux de croissance de la démographie est trop élevé et en décalage avec nos capacités à investir dans les infrastructures d’éducation, de santé, la création d’emplois. » Mettant ainsi l’accent sur l’équilibre qui doit exister entre la démographie et les ressources disponibles.

Selon l’ONU, la population mondiale est passée à 8 milliards d’habitants. Des 8 milliards d’habitants que compte désormais le monde, 1,4 milliard vivent en Afrique. Un nombre qui va sans cesse en hausse, sur un continent qui peine déjà à faire face à ses problèmes. Dans les capitales et les grandes villes africaines, l’accélération de l’urbanisation bat son plein avec pour corollaires la prostitution, le travail des enfants et la délinquance.

Le venin maléfique de la violence

Elles se comptent par centaines, ces femmes qui s’adonnent à la prostitution. Parfois mineures ou mariées, vulnérables et livrées au monde impitoyable de la rue. Issues pour la plupart de familles modestes, certaines parmi elles font ce travail sous la contrainte.

En parallèle, on voit des enfants dans les marchés et les rues, travaillant malgré leur jeune âge plutôt qu’allant à l’école comme tous les autres enfants. Leur crime, c’est d’être né dans une famille nombreuse où les parents ne sont pas nantis et ne peuvent subvenir à leurs besoins. Quant à la délinquance, elle prend des proportions alarmantes. Ces jeunes dont les parents ont failli à leur devoir d’éducateur errent dans les rues, s’abreuvant du venin maléfique de la violence.

Une bombe à retardement

Des sept continents que compte le monde, l’Afrique est celui qui a la population la plus jeune. Cette jeune population, qui serait perçue comme une bénédiction sous d’autres cieux, n’est pas exploitée à sa juste valeur. Elle devient donc une bombe à retardement, à cause du fort taux de chômage.

Un jeune racoleur cherchant des clients pour son patron.
Crédit photo: Aimé DA CRUZ

En effet, la percée de l’extrémisme violent dans plusieurs zones de l’Afrique inquiète les dirigeants et les organisations qui voient en cette jeunesse oisive un terreau fertile pour l’endoctrinement. Par ailleurs, le sentiment anti-occident grandissant au sein de cette couche, qui voit dans les pouvoirs publics et les anciennes puissances coloniales la cause de son malheur, fait craindre des soulèvements populaires.

L’Afrique à l’école de la Chine ?

Comme on pouvait s’y attendre, les propos du chef d’État béninois qui soutient qu’il faut contrôler les naissances, ont beaucoup fait parler. Pour cause, celui-ci évoque l’éventualité d’utiliser au besoin « des moyens un peu coercitifs ». Une expression qui selon la pensée populaire, fait planer l’ombre d’un probable encadrement juridique des naissances. Pourtant, en analysant de plus près, on se rend à l’évidence. Nous sommes loin du spectre de la politique de l’enfant unique. Néanmoins, il urge d’agir pour éviter le pire.

Des taxi-motos en pleine circulation.
Crédit : Aimé DA CRUZ

« Si fondamentaux sont les problèmes de population qu’ils prennent de terribles revanches sur ceux qui les ignorent. »

Alfred Sauvy, La France ridée, 1986

Si dans les villes le contrôle des naissances entre de plus en plus dans les habitudes, ce n’est pas le cas en milieu rural où la masse reste sceptique aux méthodes modernes de contrôle des naissances. La sensibilisation qui se fait déjà doit s’accroître, et nous avons tous notre partition à jouer. Il en va du développement de notre continent.